Je suis en bas de l'escalier.
Cet escalier tordu et moussu, un peu difficile à escalader, guère rassurant mais tellement représentatif de la vie. La mienne en tout cas. Toutes ces marches de guingois comme autant d'étapes à franchir, encore et encore.
Cela ne s'arrête jamais.J'ai pris cette photo pendant le week-end que je partageais avec mon amoureux. Tous les deux, ensemble, nous sommes tombés en arrêt devant cet escalier. Un autre que lui n'aurait même pas accordé un coup d'oeil à ce château branlant. Et moi je n'aurais sans doute pas passé ces deux jours avec un autre que lui. Mais ce week-end c'était lui et moi, tous les deux, et nous étions heureux.
Je monte les marches petit à petit.Ce soir j'étais à Caen, au Centre régional des Lettres de Basse Normandie, pour recevoir le prix que j'ai gagné en tant que lauréate de son 10e concours de nouvelles.
Je suis heureuse d'avoir gagné parce que j'aime avoir écrit le texte qui a été primé là où je suis souvent insatisfaite de ce que j'écris. Peut-être parce que j'y raconte une histoire d'amour atypique qui ressemble à ce que je peux vivre parfois.
Toute la soirée je me suis sentie fébrile, comme chaque fois dans ce genre d'occasion. Je redoute les honneurs, la mise en avant et tout ce qui va avec, prise de parole en public, photographies...
J'aurais aimé briller. Je me suis juste entendu bafouiller.
La marche est haute pour moi, pénible à franchir.Pourtant à un moment, un beau jeune homme avec un drôle de nom - Yo du Milieu - a lu un texte qui commençait ainsi "Menton, le 14 juillet 1933 - Cher Antonin, J'imagine que la nouvelle a déjà fait le tour de Pontarlier mais je tenais à vous l'annoncer moi-même..." J'ai mis un peu de temps à reconnaître ces phrases que j'avais écrites juste après mon opération. Et puis je me suis laissé porter par mes mots et lorsque que la voix s'est arrêtée, j'ai entendu les applaudissements, et j'ai vu que le regard que certaines personnes posaient sur moi avait changé.
J'y ai lu de la reconnaissance, peut-être de l'admiration, du respect certainement.
Je ferme les yeux et je lâche la rampe.Si je regarde les photos de la soirée, je me vois rayonnante, radieuse.
Je repense aussi à l'éditeur à qui j'ai proposé d'envoyer un manuscrit. De sa réponse un peu laconique et désabusée "évidemment d'autant plus que vous êtes la lauréate..." De l'éditrice avec qui j'ai longuement échangé. De cette croisée de chemins où je me trouve.
Cet escalier ne me fait pas peur. Je vais le grimper quatre à quatre.
YES !! Go on darling !
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