Parfois je me déteste vraiment.
Je suis en train de peser des citrons sur la balance du supermarché lorsque j’entends un ch'clac sec et cinglant qui, déjà à l’oreille, me heurte et me blesse. Je fais volte-face et je les vois : mère, fille, belle-mère, belle-fille, je ne sais pas trop, mais je distingue sur la petite joue blanche une empreinte rouge marbrée, celle du ch’clac.
J’ai mal.
Au-dessus de la marque rouge, mon regard croise celui d’une enfant. Elle est certainement plus jeune que ma petite à moi, plus jeune mais déjà tellement plus grande.
Les yeux me fixent. Ils me crient qu’ils savent que j’ai tout vu. Ils me supplient de ne rien dire.
Il y a si peu d’enfance en eux.
Soudain je la reconnais. Elle et moi nous sommes croisées par un dimanche pluvieux. Mes enfants étaient chez leur père et j’en avais profité pour aller au cinéma voir Les vents contraires, de Jalil Lespert avec Benoît Magimel.
Elle se tenait juste devant moi dans une file d’attente très clairsemée. Une petite fille, 6-7 ans peut-être.
Je m’étais étonnée un peu de la voir attendre pour ce film. Je doutais qu’il soit « pour elle », j’avais lu le roman d’Olivier Adam qui avait inspiré le scénario et un instant, je m’étais demandé laquelle de nous deux s’était trompée de séance.
Elle se dandinait d’un pied sur l’autre, un peu agaçante à s’agiter ainsi. Elle épiait à droite à gauche, se retournait sans cesse vers la porte.
Qui attendait-elle ? Son père, sa mère, son frère, sa sœur, ses grands-parents ? Personne n’était venu la rejoindre et le caissier du cinéma avait eu, lui aussi, un air intrigué face à cette petite fille solitaire qui lui demandait une place…
Dans la salle aux trois quarts vides elle s’était installée au premier rang. De mon fauteuil dans la rangée du milieu, je l’avais épiée à mon tour tout le temps du film. C’était une histoire très triste et dure d’une femme, maman, qui disparaissait, et d’un homme, papa, qui la recherchait avant de tenter de refaire sa vie avec ses enfants.
Alors que je pleurais comme une fontaine, je m'étais demandé ce qu’elle ressentait. Si elle était blessée par cette histoire. Si cela allait l'empêcher de dormir le soir. Je m’étais aussi interrogée sur les raisons de sa présence au cinéma ce jour-là. Ce qu’elle fuyait. Si le cinéma était un refuge, sa cabane dans les arbres...
Après je m’en étais voulu : j’aurais dû la rattraper, essayer de lui parler. Mais elle avait quitté la salle avant moi et je ne l’avais pas vue partir.
En rentrant, bien au chaud chez moi, je m’étais inventée des histoires, des scénarios. Mon imagination avait brodé un temps, puis j’avais retrouvé mes enfants et tout à notre bonheur, la petite fille avait rejoint la case des souvenirs.
J’ai mal.
Au-dessus de la marque rouge, mon regard croise celui d’une enfant. Elle est certainement plus jeune que ma petite à moi, plus jeune mais déjà tellement plus grande.
Les yeux me fixent. Ils me crient qu’ils savent que j’ai tout vu. Ils me supplient de ne rien dire.
Il y a si peu d’enfance en eux.
Soudain je la reconnais. Elle et moi nous sommes croisées par un dimanche pluvieux. Mes enfants étaient chez leur père et j’en avais profité pour aller au cinéma voir Les vents contraires, de Jalil Lespert avec Benoît Magimel.
Elle se tenait juste devant moi dans une file d’attente très clairsemée. Une petite fille, 6-7 ans peut-être.
Je m’étais étonnée un peu de la voir attendre pour ce film. Je doutais qu’il soit « pour elle », j’avais lu le roman d’Olivier Adam qui avait inspiré le scénario et un instant, je m’étais demandé laquelle de nous deux s’était trompée de séance.
Elle se dandinait d’un pied sur l’autre, un peu agaçante à s’agiter ainsi. Elle épiait à droite à gauche, se retournait sans cesse vers la porte.
Qui attendait-elle ? Son père, sa mère, son frère, sa sœur, ses grands-parents ? Personne n’était venu la rejoindre et le caissier du cinéma avait eu, lui aussi, un air intrigué face à cette petite fille solitaire qui lui demandait une place…
Dans la salle aux trois quarts vides elle s’était installée au premier rang. De mon fauteuil dans la rangée du milieu, je l’avais épiée à mon tour tout le temps du film. C’était une histoire très triste et dure d’une femme, maman, qui disparaissait, et d’un homme, papa, qui la recherchait avant de tenter de refaire sa vie avec ses enfants.
Alors que je pleurais comme une fontaine, je m'étais demandé ce qu’elle ressentait. Si elle était blessée par cette histoire. Si cela allait l'empêcher de dormir le soir. Je m’étais aussi interrogée sur les raisons de sa présence au cinéma ce jour-là. Ce qu’elle fuyait. Si le cinéma était un refuge, sa cabane dans les arbres...
Après je m’en étais voulu : j’aurais dû la rattraper, essayer de lui parler. Mais elle avait quitté la salle avant moi et je ne l’avais pas vue partir.
En rentrant, bien au chaud chez moi, je m’étais inventée des histoires, des scénarios. Mon imagination avait brodé un temps, puis j’avais retrouvé mes enfants et tout à notre bonheur, la petite fille avait rejoint la case des souvenirs.
Et voilà que soudain, au rayon fruits et légumes, entre une balance et une étiquette autocollante, elle ressurgit aujourd’hui. Elle est un peu plus grande, guère plus. Et avec sa joue rouge, la main leste de la femme qui l’accompagne, le chclac, moi, je replonge dans mes hésitations, ma lâcheté, mon indécision.
Je ne sais absolument pas quoi faire.
Alors je colle l’étiquette de mes citrons sur le sachet en plastique et je la regarde disparaître une nouvelle fois.
Dans ces cas-là, je me déteste vraiment.
Je ne sais absolument pas quoi faire.
Alors je colle l’étiquette de mes citrons sur le sachet en plastique et je la regarde disparaître une nouvelle fois.
Dans ces cas-là, je me déteste vraiment.
Cet épisode est dédié tout particulièrement à une de mes amies très chère qui en comprendra forcément la raison… et qui peut-être me dira quelle attitude j'aurais dû avoir à ces deux occasions.
Dans une dizaine d'année tu la recroisera peut être .... Elle sera grande,belle , pleine d'assurance , mordant la vie à pleines dents et libre de te sourire , de te dire merci . Merci de n'avoir rien dit ce jour là car cela aurait sans aucun doute était l'occasion pour elle d'être de nouveau malmenée pour avoir laissé entrevoir sa douleur , sa tristesse . Elle te dira merci d'avoir , par ton regard posé sur elle , apporté un moment de douceur dans sa vie , la sensation d'être quelqu'un que l'on voit , que l'on aime pendant quelques secondes . Merci d'avoir compris que ce jour n'était pas le bon moment pour elle d'exister . Mais tu ne la croisera peut être jamais plus ....
RépondreSupprimerUne brune qui t'adore