Je n'étais pas du tout partie pour t'écrire, papa.
J'étais en colère, ce soir, en colère contre la terre entière comme ça m'arrive parfois. Révoltée par l'injustice de la vie, bouleversée aussi.
J'étais là à me torturer, à chercher ce que je pourrais bien répondre à mon grand qui venait de me demander ce qu'il allait faire l'an prochain vu que tout ce qu'il avait envie de faire on lui répondait systématiquement qu'il ne pouvait pas le faire. Tu vois, papa, on est en plein dans les histoires d'orientation. Et je peux te dire qu'avec un gamin qui ne rentre pas dans les cases, c'est coton.
J'avais envie de crier, de tout casser, de tout envoyer balader. De pleurer un peu aussi mais ça je n'allais pas le dire, papa. J'ai de qui tenir.
Alors, pour me changer les idées, je me suis mise à trier des photos que maman m'a envoyées pour illustrer son recueil de souvenirs. Et là, papa, je suis tombée sur cette photo de toi que je ne connaissais pas.
Tu m'aurais vue ! J'étais là, à te scruter, te dévisager sous toutes tes coutures. Un peu comme si, justement, je ne t'avais jamais vu. C'est un comble, non ?
Et tu me croiras si tu veux, papa, mais j'ai commencé à te parler. A me confier. A te dire tout ce que j'avais sur le cœur, et ça en fait gros. Gros comme ça au moins…
J'étais tellement bien avec toi, papa, ça faisait si longtemps, toi et moi, qu'on avait pas eu un vrai moment ensemble. Une éternité. Tiens j'ai même versé quelques larmes, pas trop mais un peu quand même, suffisamment en tout cas pour me faire du bien et sentir ma colère et ma révolte se faire la malle sur la pointe des pieds. Le calme revenir. C'est toujours ainsi après un gros chagrin, papa, on en sort lessivé mais apaisé. Enfin en tout cas, chez moi, ça se passe comme ça.
Bon, au final, j'étais déjà en train de me dire que j'allais pouvoir rejoindre mon lit un peu plus tôt que d'habitude, peut-être achever le bouquin en cours, en plus j'étais un peu fatiguée à cause du changement d'heure, le passage à l'heure d'été qui fait les jours plus longs et les nuits plus courtes, c'est proportionnel, etc. Mais avant de fermer mon ordinateur, je n'ai pas pu résister à mon envie de regarder cette photo de toi une dernière fois et … je me suis mise à écrire.
Comme tu étais beau, papa !
PS. Papa, ne t'inquiète pas, j'ai relevé la tête, affûté mes arguments : demain soir y'a réunion parents-profs… ils n'ont qu'à bien se tenir.
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