Dans le bureau règne un silence religieux. A peine le murmure des pages qui se tournent ou le cliquetis d’un clavier d’ordinateur. Et tout à coup, ce crouic crouic qui me fait l’effet d’une détonation au cœur de la nuit.
Bon sang, je viens juste d’attraper mon dictionnaire : il a donc suffi que je bouge le bras droit pour que cela arrive.
- Crouic crouic…
Je le repose.
- Crouic crouic...
Oui il semble bien que cela vienne de chez moi.
Ma boss a levé une oreille et me jette un œil interrogateur.
- Vous avez entendu ?
Moi, innocente.
- Comment ? Quoi ?
- Vous n’avez pas entendu comme un grincement ?
C’est bien de mon crouic crouic qu’elle parle.
- Euh je ne sais pas, je suis tellement concentrée sur ce manuscrit…
Bel aplomb, ma belle. Je laisse passer deux ou trois minutes et je me lève. Je sors d’un pas suffisamment appuyé pour qu’il occulte le reste. Je file m’enfermer dans les toilettes.
Derrière la porte close, je lève le bras droit.
- Crouic crouic…
Le bras gauche.
- Crouic crouic…
Les deux ensemble.
- Crouic crouic…
J’écarte, je ramène sur la poitrine, je serre.
- Crouic crouic…
Le test est formel : c’est indéniable, le crouic crouic provient de ma petite personne.
J’aurais dû me méfier ce matin : j’étais déjà très en retard lorsqu'il m'a semblé entendre la première alerte, je ne m'en suis pas alarmée et j'ai préféré incriminer le grincement du petit meuble de l'entrée. Mais maintenant il est trop tard.
Branle-bas de combat dans mes méninges : il est à peine 10 h, des clients arrivent dans une demi-heure pour la journée. Qu’est-ce que je peux bien faire ? Je lève le bras pour me gratter le haut du crâne, ça m’aide à réfléchir… Mais…
- Crouic crouic…
Je pourrais peut-être l’enlever sauf que je porte une chemise blanche suffisamment transparente pour que cela soit visible.
Je n'en ai pas de rechange dans mon sac.
Le constat est implacable : il n’y a aucune solution.
Je suis condamnée aux crouic crouic pour le reste de la journée.
- Crouic crouic…
Je pourrais peut-être l’enlever sauf que je porte une chemise blanche suffisamment transparente pour que cela soit visible.
Je n'en ai pas de rechange dans mon sac.
Le constat est implacable : il n’y a aucune solution.
Je suis condamnée aux crouic crouic pour le reste de la journée.
EpilogueCe message est pour le moment resté sans réponse.
Donc j'ai passé quelques heures éprouvantes à tenter de garder les bras bien serrés pour éviter tout crouic crouic intempestif, à chantonner ou siffloter pour les masquer, j'ai parlé fort. Un cauchemar. Et, quand je suis enfin rentrée chez moi - par bonheur -, je me suis précipitée sur le site internet de la marque incriminée et j'ai envoyé ce message au service consommateur : "Bonjour, j'ai acheté en juin dernier un soutien-gorge blanc de votre gamme Generous. Il se trouve que les baleines de ce sous-vêtement émettent un grincement, ce qui est extrêmement embarrassant. Pouvez-vous me dire si vous avez déjà été confronté à ce type de problème… "
Je ne m'en lasse pas ! Lorsque j'ai un sérieux besoin de rire, je viens lire le crouic-crouic... Merci pour ce fantastique moment de rigolade !
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