Je le regarde discrètement, une pointe d’inquiétude au cœur,
même s’il a l’air plutôt tranquille.
Tout ce tohu-bohu, les petites querelles entre le frère et
la sœur, les discussions incessantes.
- C’est toi qui débarrasses le lave-vaisselle…
- Je l’ai fait hier…
- Alors tu mets le couvert…
- Et vos chambres, elles sont rangées ?
- Je vais le faire…
- Non, pas de « je vais le faire », tu le fais
maintenant.
Pas moyen d’avoir une conversation suivie pour peu qu’ils
s’y mettent à deux. Mais il reste toujours impassible comme si tout était
normal.
Et ma chipette qui parle, qui parle. Il semble plongé tranquillement
dans le journal et elle, au-dessus de son épaule, déchiffre l’article qu’il est
justement en train de lire.
- Es-tu vraiment obligée de lire à voix haute dans ses
oreilles ?
Les repas aussi, parfois, comme une mise à l’épreuve
supplémentaire. De quoi s’énerver.
- Désolé, tu sais, mais je n’aime pas ta soupe…
Un velouté de potimarron délicieux.
- Pourtant j’ai demandé à votre mère si vous aimiez ça…
Ils aiment habituellement. Mais même là, ça ne semble pas le
perturber d’un poil. Ou la tarte au citron qu’elle lui a réclamée à corps et à
cris et qui reste sur le bord de l’assiette toute écrabouillée...
- … tu ne manges pas ta tarte ?
- … mais il y a des zestes…
Il y a vraiment matière à s’exaspérer. Intérieurement ça
doit bouillir, quand même. Mais non, il sourit.
- Je mets toujours les zestes ! C’est ce qui donne le
goût…
- Non dans la première que tu avais faite, il n’y en avait
pas…
Et que dire des larmes de
crocodile de mon grand parce que le lecteur Dvd n’a pas le bon raccord et qu’il
est impossible, ce soir-là, de regarder Little
Miss Sunshine sur la grande télévision qu’il vient à peine de nous offrir
pour Noël.
- C’est mon film préféré, tu comprends…
- Il faudra juste acheter un raccord Hdmi…
- Oui mais c’était ce soir qu’on avait dit qu’on le
regarderait
L’ambiance se gâte et la soirée pourrait facilement
tourner au vinaigre. Il va exploser, prendre ses cliques et ses claques. A sa
place… Qu’est-ce que je ferais à sa place ?
- C’est le dernier jour des vacances après c’est fichu.
C’est pas juste…
Les escaliers geignent et les portes claquent mais là,
encore il n’a pas bronché. Pire il me regarde et il sourit.
Je le regarde, je suis figée, j’essaye d’être naturelle.
- Ça va ? Tu tiens le coup ?
Il me regarde un peu surpris comme si, manifestement, je prononçais
une incongruité.
- Oui, ça va très bien.. . Pourquoi tu me demandes ça ?
Tout va bien : il faut que j’arrête de m’inquiéter.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
J'aime quand vous me laissez vos commentaires...