Je remonte la rue où j'ai passé mon enfance et j'aborde un virage difficile, juste devant le portail d'une petite maison blanche. Le trottoir est particulièrement étroit à cet endroit.
Elle était toujours là, accroupie, une balayette à la main : elle nettoyait devant chez elle. Elle ne supportait pas le moindre papier ou déchet dans "son" caniveau.
Elle portait un turban gris et une blouse bleu ciel à damier rose : elle était aussi crasseuse que son trottoir était propre. Quand on passait à côté d'elle, l'odeur était forte et désagréable et elle bougonnait contre les enfants, les chiens et tous ceux qui venaient souiller son espace.
J'avais peur de son regard un peu hagard, des traînées noires qui rayaient son visage et du poing qu'elle levait à chaque fois qu'une voiture la frôlait.
Personne dans le quartier ne comprenait comment elle n'avait jamais été renversée.
Nous savions qu'elle était veuve. Je me suis longtemps demandé quelle mariée elle avait pu être, si elle avait été amoureuse, si elle avait eu des enfants et ce qu'il lui était arrivé pour qu'elle se retrouve ainsi à balayer devant sa porte.
Fofolle est morte seule un jour de grosse chaleur à l'hôpital.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
J'aime quand vous me laissez vos commentaires...