Hier soir, sur la route, je suis témoin d'un accident…
Cela me projette quatre années en arrière.
J'étais avec mes enfants et nous revenions du marché où nous avions acheté, entre autres, une caisse d'abricots. Je venais de m'arrêter à un stop et lorsque j'avais redémarré, je n'avais pas vu qu'un piéton arrivait de la gauche.
J'avais la tête ailleurs.
L'avant de ma voiture avait heurté la femme.
Je n'ai jamais oublié le bruit sourd de son corps tapant contre la carrosserie du capot ni cette impression terrible de voir une scène se dérouler comme au ralenti.
La femme était tombée devant la voiture et j'avais juste eu le temps d'apercevoir son visage.
Après j'avais coupé le contact, demandé à mes enfants de garder leur ceinture attachée et j'étais sortie du véhicule, c'était la panique.
Elle était allongée sur le pavé. Des passants s'étaient déjà attroupés. Une commerçante était sortie et je l'avais entendu me dire qu'elle avait appelé les pompiers. Quand ils étaient arrivés, ils étaient accompagnés par la gendarmerie et la femme était toujours allongée.
Ils l'avaient chargée sur un brancard pendant qu'un homme en uniforme bleu me mettait discrètement à l'écart pour me poser quelques questions et me faire souffler dans un éthylotest.
J'avais sursauté lorsque les portes du camion de pompier avaient claqué et qu'il avait démarré, j'avais demandé au gendarme dans quel hôpital on conduisait la femme.
Le gendarme m'avait fait signer une déposition avant de me conseiller de rentrer chez moi. J'étais remontée dans ma voiture et j'avais démarré.
Je me rappelle avoir tremblé en passant les vitesses. J'aurais voulu repartir à pied. Les enfants n'arrêtaient pas de me poser des questions, si la femme était blessée, si elle souffrait, si on allait l'opérer, si elle saignait…
Aucun des deux ne m'avais demandé si elle allait mourir.
Moi je m'étais demandé si elle pourrait remarcher. Si elle serait handicapée toute sa vie. Si ma vie à moi aussi allait basculer. Ce qui allait se passer. Ce que j'allais devenir. Si je l'avais tuée.
J'avais déposé les enfants à la maison. Préparé rapidement un déjeuner. J'avais sorti la caisse d'abricots du coffre. Tout ce que je faisais me semblait désordonné.
J'avais essayé d'appeler l'hôpital. Une fois. Dix fois. Je n'arrivais pas à avoir le service.
J'avais finalement repris ma voiture et j'étais repartie.
Dans ma tête défilaient tout un tas de choses insensées. Ce que je n'avais pas eu le temps de faire avant ce fameux stop. Une lessive que je n'avais pas étendue. Le jour de la naissance de mes enfants. Ce que nous avions mangé au repas de la veille. Les vacances qui allaient arriver. La réunion à laquelle je ne pourrais pas assister. Les abricots au sirop que j'avais promis à ma fille.
Quand j'étais arrivée à l'hôpital, une infirmière m'avait simplement dit que la dame venait de rentrer chez elle.
J'avais ressenti un grand vide. Un immense vertige. Le précipice était là. J'étais juste au bord et il ne s'était rien passé. Ou presque.
Parce que, je ne le savais pas encore, le point de rupture était pourtant bien là, à ce stop où ma vie venait de basculer.
Après... plus rien n'a jamais été comme avant.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
J'aime quand vous me laissez vos commentaires...